En 1860, au moment du rattachement du Comté de Nice et de la Savoie à la France, les voies de communication dans le nouveau département des Alpes- Maritimes étaient en très mauvais état. Sous l’impulsion de Napoléon III, un vaste plan de développement d’amélioration et de création de voies de communication terrestre et ferroviaire a été lancé.
Avant la révolution française, la voie reliant Grasse à Tourrettes portait le nom de » Voie Royale « . Elle prenait naissance sur notre commune au niveau du Loup à la hauteur du chemin de La Papeterie , remontait la route des Valettes Sud en passant devant le Château des Valettes, la » vieille route de Grasse à Vence « , la route des Quenières, la route de Saint Jean et débouchait sur la place de la Libération , dénommée à l’époque » Le Plan « .
Pour se rendre de Tourrettes à Vence, il fallait emprunter la route de La Bourgade, traverser le pont du Cassan, emprunter la route de La Madeleine pour arriver au vallon de Notre Dame en limite de Vence.
Durant la période révolutionnaire, l’appellation « Voie Royale » fut supprimée et classée par les Procureurs du pays en » Chemin de 2 ème classe « . En 1790 les maires des communes de Vence et de Tourrettes adressèrent à l’Assemblée du département des pétitions de leurs administrés en vue d’obtenir la remise en état des voies.
Ainsi le 23 Septembre 1790, la commune de Tourrettes rappelait que des réparations avaient été ordonnées, mais « un entrepreneur les ayant commencées dans une partie du terroir de Tourrettes, elles ont été interrompues sans qu’on sache le motif et comme les réparations sont restées imparfaites elles n’ont servi qu’à rendre la dite partie du chemin bien plus difficile qu’elle n’était avant qu’elle fut réparée » . Elle réclamait donc l’intervention du département en reprenant l’argument que « ces réparations donneraient du travail aux ouvriers pendant cet hiver et ils seraient par ce moyen secourus ».
Avec le temps la situation ne s’améliore pas. Le 5 août 1860 dans sa délibération, le conseil municipal de Vence souligne : « Suite au rattachement de l’arrondissement de Grasse au département des Alpes-Maritimes, la route de Grasse à Vence est devenue stratégique pour le passage des troupes, ainsi qu’il s’est récemment vérifié lors du retour de l’Armée d’Italie en France et dont à peu prés 20 000 ont pour première étape de Nice à Vence et ensuite de cette dernière ville à Grasse ». L’argumentation se poursuit : « Les fantassins ont suivi la route actuelle, quoique qu’avec difficulté, mais l’artillerie, la cavalerie et le train ont été forcés de rétrograder pour prendre la route de grande communication n°25 de Vence à Saint-Paul, la Colle, Roquefort, Châteauneuf, rejoignant la route impériale de Cannes à Grenoble ».
Travaux de réalisation
La route départementale que nous empruntons de nos jours (RD 2210) a été réalisée sur la commune de Tourrettes en 2 étapes :
• un premier tronçon Pont du Loup – Tourrettes;
• un 2ème tronçon Tourrettes – Vence.
Le présent article portera sur la partie de route Pont du Loup – Tourrettes.
Pourquoi ce choix ? Tout simplement parce que le projet initial prévoyait le début des travaux à partir de Grasse et qu’au moment du démarrage du chantier la partie de route reliant Le Pré du Lac au Pont du Loup était en cours de construction.
A l’époque le quartier du Pont du Loup ne comptait que 5 maisons dispersées sur les versants de la vallée, la traversée de la rivière se faisait à gué.
Pour être précis, le projet de construction concernait la partie allant du vallon de La Frache sur la commune de Gourdon à la Croix de Cigalon qui se situait à hauteur de l’actuelle intersection de la route des Quenières et la RD 2210, soit à environ 2 kms du village. De nos jours, cet édifice a disparu, vraisemblablement démoli ou démonté lors des travaux de construction de la route.
Le projet de construction de ce tronçon a été approuvé le 24 Septembre 1863 par Monsieur Louis BEHIC, Ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux Publics du gouvernement de Napoléon III.
Ce premier tronçon avait une longueur de 6.080 mètres.
A cette époque les rives du Loup, du côté de Tourrettes, faisaient partie du quartier des Valettes, l’appellation de Pont du Loup n’apparaîtra qu’à partir de la réalisation du 1er pont de la RD7.
Les travaux estimés à 261.423,64 Francs ont été mis en adjuration suivant la procédure des marchés publics sur rabais.
Le 07 Novembre 1863, les Membres du Conseil de Préfecture, Messieurs DURANDY et ROUSSET, le Baron de SAVIGNY et l’ingénieur en chef le Comte GRANDCHAMPS se sont réunis à la préfecture de Nice.
Cinq entreprises avaient fait parvenir leur dossier, après ouverture des plis l’entreprise SERRATRICE frères a été déclarée adjudicataire du marché avec un rabais de 12 %, sa proposition s’élevait ainsi à 230.052,94 Francs.
Concomitamment à l’adjudication les travaux, l’administration lança la procédure d’acquisition des terrains. La surface totale des terrains à acquérir était de 67.186,50 m2 et l’estimation du coût des indemnités à payer aux propriétaires se chiffrait à 39.384,97 Francs.
Les terrains concernaient les quartiers des Valettes, de Font de Purgue, Saint Antoine et Pie Lombard.
Les travaux ont commencé en 1864 et s’achevèrent en 1866.
Comme tout chantier de cette importance des imprévus sont venus grever l’économie générale de ce projet et l’entreprise SERRATRICE a adressé le 12 Août 1867 à Monsieur le Préfet une demande gracieuse en vue d’obtenir une indemnité qualifiée de « légitime » selon cette dernière.
Pour justifier cette requête, elle invoque les motifs suivants :
• l’augmentation du prix de la chaux : le fournisseur de la chaux, situé à La Colle sur Loup, avait augmenté son tarif, de 25 à 32 Francs le m3, en raison des difficultés qu’il avait rencontrées pour le transport des matériaux, consécutives aux rampes très raides de la route à l’approche de Châteauneuf.
• le sable devait être extrait de la rivière du Loup et acheminé par tombereau. Toutefois compte tenu qu’il n’y avait aucun chemin carrossable permettant le passage d’une charrette, l’entreprise avait du l’extraire au moyen de hottes et le transporter à dos de mulet.
• les injonctions judiciaires faites par les propriétaires en vue d’arrêter les travaux ont engendré des retards de chantier préjudiciables à l’entreprise. De même des travaux supplémentaires avaient été nécessaires.
Une fois ce premier tronçon achevé, la municipalité réclama le démarrage de la deuxième tranche à savoir le tronçon de La Croix de Cigalon à Vence.
Philippe BENSA