La fête de la Madeleine

… autrefois

Quand on parcourt un annuaire des petites et moyennes communes des Alpes-Maritimes du début du XIX ème siècle on constate que la fête patronale de Tourrettes se déroule toujours le dimanche qui suit le 22 juillet, le romérage de l’été. Il faut noter qu’à cette époque une autre fête se déroulait, le romérage de l’hiver, la Saint Grégoire. Autrefois c’était tout d’abord une fête religieuse, les villageois se rendaient  à la chapelle de la Madeleine, le tambour guidait la procession. Les jeunes gens suivaient avec leurs  mousquets, c’était la « bravade » ; dans certains villages elle subsiste encore.
Après, la fête proprement dite débutait. Des jeux, organisés par les jeunes gens, filles et garçons, animaient la place. Des courses à pied, des courses en sac, des jeux d’adresse pour les adolescents et les enfants. Les commerçants du lieu vendaient leurs gâteaux, des marchands ambulants offraient différents types de produits.

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Course de brouettes en 1950 (Photo Ventura)

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Le manège sur le Scourédon

Puis avec le temps, la fête a évolué. Le programme de l’édition de 1922 illustre bien ce que vivaient les tourrettans fin juillet. Elle se tenait sur quatre jours et était placée sous la présidence d’honneur des sénateurs, députés et conseillers généraux et d’arrondissement du département. Le samedi soir à partir de 21 heures une grande farandole provençale et une retraite aux flambeaux animaient les rues du village. Le dimanche matin  dès 9 heures, les musiciens donnaient l’aubade aux autorités,  des bouquets et des cocardes leur étaient distribués. Puis à 11 heures l’église était pleine pour la célébration de la grand-messe avec musique.  A la sortie de la messe, la foule participait au vermouth d’honneur au cours duquel les élus prononçaient des discours aux accents républicains.

L’après-midi était attendu avec impatience, le bal s’ouvrait sous un chapiteau « magnifiquement décoré » par Mr Castagna de Saint-Martin. Pour la majorité des jeunes du village c’était la seule période où ils pouvaient danser. Les beaux habits étaient sortis des armoires, les parents surveillaient leurs enfants : c’était comme dans la chanson d’Adamo « vous permettez monsieur que j’emprunte votre fille ». De nombreux mariages étaient conclus dans les mois ou les années suivantes.

Ensuite vers 16 heures les jeux débutaient, courses à pied – les trois sauts (pour ces 2 épreuves un prix de 10 francs), course de 200 mètres réservée aux enfants (prix 6 francs). Enfin le soir le bal reprenait à 21 heures.
Le lundi était réservé à partir de10 heures aux concours de chants-romance (prix 30 frs et 20 frs pour les 2 premiers), chansonnettes (prix 25 frs et 15 frs). Pour les mauvais chanteurs un concours de grimaces doté d’un prix de 10 frs suivait. Le soir le bal reprenait.
Le mardi se tenait le traditionnel concours de boules en bois par triplette  doté de deux prix de 200 et 100 francs. L’inscription était de 9 frs par équipe et les parties se jouaient en 21 points.
Une loterie avait lieu pendant toute la durée de la fête  qui proposait 3 lots, un mouton, une bouteille de liqueur de prune et une bouteille de vermouth.
L’édition de 1927 offre quelques changements, le samedi soir feu d’artifice et feu de joie et les trois soirées de bal des concours de danse : valse, charleston et fox-trot. Si dans les annonces il est indiqué que le meilleur accueil est réservé aux étrangers, parfois une bagarre éclatait. Souvent c’était avec de jeunes vençois. Un tel incident se réglait par la fuite ; ce contentieux entre les habitants des deux villages perdurait depuis longtemps (dans un prochain numéro nous remonterons au XVIIIème siècle pour décrire cette rivalité).

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Les contremarques,  les hommes paient plus cher ?

Pendant des décennies, un comité des fêtes composé des jeunes filles et garçons était associé à la préparation et à la conduite de la fête. Il se scindait en petits groupes qui passaient dans toutes les habitations, distribuant des cocardes tricolores et collectant les dons en espèces qui étaient ensuite remis à la mairie.

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Comité des fêtes 1930

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Comité des fêtes de 1936

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Comité des fêtes de 1965

Aujourd’hui si le canevas reste à peu près le même, l’esprit a changé ; c’est le résultat de l’évolution de la société. Toutefois, grâce au dynamisme de certains, une messe se déroule depuis quelques années le samedi de la fête à la Chapelle de la Madeleine. Elle est suivie d’une petite collation  au cours de laquelle les participants partagent ce que chacun a apporté, une ambiance chaleureuse qui rappelle un peu  l’atmosphère d’autrefois.