Histoire d’écoles

Avant  d’évoquer quelques moments forts de l’enseignement primaire dans notre village, il a semblé utile de faire un petit rappel historique. En 1816, l’ordonnance du 29 février oblige les communes, dans son article 14, «à pourvoir à ce que les enfants qui l’habitent reçoivent l’instruction primaire, et à ce que les enfants indigents la reçoivent gratuitement».
La loi Guizot de 1833 renforce cette ordonnance et oblige les communes de plus de 500 habitants à ouvrir une école de garçons, puis la loi Falloux de 1850 une école de filles pour celles qui ont les ressources nécessaires. Enfin les lois de 1881 et 1882 de Jules Ferry rendent l’école « laïque, obligatoire et gratuite » pour tous les enfants de 6 à 13 ans.
Revenons à notre village et au travers des documents du fonds de la préfecture, conservés aux Archives Départementales, revivons quelques moments de l’histoire des écoles élémentaires à Tourrettes.
En 1826, le Sous-préfet adresse au Préfet la lettre de Jean-Philippe Niel, l’instituteur, qui se plaint de la municipalité qui ne lui a pas remis son traitement du second semestre de 1824. On découvre dans ces archives des dossiers sur des retards de paiement de traitements liés  à la pauvreté de la commune, sur la question du logement de l’instituteur, des réparations à effectuer et des demandes de secours associées (1827, 1832, 1834, 1841, 1843). Tourrettes n’avait pas attendu la loi Falloux pour ouvrir une école de garçons, dés le 23 août 1842 sa création est effective.

En 1868, le problème du logement de l’institutrice est l’objet de nombreux courriers. Un représentant de l’Académie de Nice est envoyé à Tourrettes pour faire le point de la situation. Il s’agit d’une question de salubrité  mais aussi de proximité de la classe : la surveillance des jeunes filles ! Ce dossier va traîner de nombreuses années.
En 1869, le village compte 47 garçons et 39 filles scolarisés dont respectivement 10 et 7 à titre gratuit. En 1887 un tremblement de terre important occasionne des dégâts conséquents dans le département, l’école de garçons est touchée. Le conseil général accorde à la commune un secours de 500 francs. En 1896, le problème de l’école des filles et du logement de l’institutrice semble enfin trouver une solution : la municipalité loue par un bail de « 9 ou 12 ans «  pour un loyer annuel de 160 francs l’immeuble de Paul Rapet situé au 8 rue de la Bourgade. Mais très vite, la cohabitation des locaux avec l’écurie du rez-de-chaussée va être problématique.

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Demande de subvention de 1887

ecole-devis-1907Quelques années plus tard, la question scolaire est devenue critique, l’urgence est là. Dans sa délibération du 10 avril 1907, le maire, Alexandre GIRAUD, précise « vous savez dans quelles conditions défectueuses se trouvent nos écoles. Celle des garçons aurait besoin de sérieuses réparations ; le local des filles que nous louons ne présente aucune condition d’hygiène et de confort qu’on est en droit d’exiger d’une école ». Il poursuit : « enfin ce n’est pas normal de voir des écoles aussi défectueuses dans notre localité de 900 habitants lorsque la République et la plupart des communes ont fait les plus sérieux sacrifices en vue de développer l’enseignement primaire auquel la prospérité du pays est si intimement liée ». Il propose donc l’édification d’un groupe scolaire et comme la mairie située à la Tour de l’Horloge a du être réparée en partie, il préconise un bâtiment commun.

L’emplacement proposé pour son implantation est  décrit: « la commune est propriétaire d’un terrain assez étendu au quartier des Canorgues, situé à une centaine de mètres du village et dont elle ne tire aucun produit. Par sa position entre le village et le petit hameau de la Plantade, ce terrain, éloigné du cimetière, exposé au grand air, et d’un accès facile à cause de la proximité de la route de grande communication, serait à mon avis tout désigné».
Un autre argument présenté est l’économie faite en n’ayant pas à acquérir le terrain et en récupérant sur le site les pierres à bâtir. Par contre, il faut trouver un autre terrain pour la société de tir du village à qui cette zone avait été attribuée. Deux emprunts conséquents et des aides du conseil général et de l’état sont nécessaires pour financer ce projet majeur. Le premier est d’un montant de 18 000 francs et le second de 5000 (sur 30 ans avec des annuités de 282 francs). L’état des finances de la commune et une certaine désorganisation liée à la guerre entraînent des retards de paiement et le 28 octobre 1919 des indemnités doivent être versées à l’organisme prêteur. L’architecte retenu est J.B Reynaud de Cannes et l’entreprise de maçonnerie choisie est Barraco et Bagnis.

Le groupe scolaire est inauguré avant la guerre. Une réception provisoire est faite en août 1911 pour permettre la rentrée scolaire dans les nouveaux locaux ; la définitive intervient un an plus tard. Mr et Mme DONATI sont les maîtres, et comme dans toutes les communes rurales le maître est aussi secrétaire de mairie. Plus tard le chemin d’accès sera construit et en 1925 les crédits sont votés par le conseil municipal pour l’électrification des locaux.

La lecture du registre matricule des garçons, sauvé de la destruction par une institutrice avisée, donne  des informations intéressantes et émouvantes sur la période du début du XXème siècle. Les appréciations sur les élèves ne relèvent pas du « politiquement correct d’aujourd’hui », quand le garçon est un cancre c’est noté. Le départ d’enfants italiens est signalé en 1915, la famille retourne au pays natal car le père est mobilisé. Des enfants de familles d’un village de la Meuse, situé dans la zone des combats, réfugiées à Tourrettes suivent les cours ; ils rentreront  chez eux en 1920. On lit avec tristesse une phrase  qui annonce le décès d’un enfant de 8 ans à la suite de la grippe espagnole fin 1918. Les instituteurs regrettent parfois que des élèves brillants soient obligés de quitter l’école pour aller travailler à la campagne afin d’aider leurs parents.   Ils soulignent aussi avec fierté ceux, très rares, qui ayant obtenu le certificat d’études rejoignent le collège avec une bourse.

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Dans le Petit Niçois un entrefilet informe que Madame DONATI, institutrice des filles, a, fin 1914, effectué une quête. Avec la somme recueillie elle a acheté des pelotes de laine pour faire tricoter par ses élèves des bas destinés aux soldats sur le front.

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Classe Madame DONATI en 1917

Après la seconde guerre mondiale, ces locaux vont s’avérer insuffisants. Madame Anne AGNESI,  mutée à Tourrettes en 1955 se souvient: «il y avait eu création d’une troisième classe. J’ai enseigné  2 ans aux enfants du CP et de la classe enfantine dans une salle située sur la place où se trouve aujourd’hui la Tourrettoise ; et je logeais au-dessus. Ensuite nous avons déménagé dans la maison qui abrite maintenant la Poste. La cour de récréation c’était devant la maison de Mr AUDIBERT et nous rencontrions souvent Germaine RAVEL. Puis en 1960, il y eut la première extension du groupe scolaire avec la construction d’une classe supplémentaire et d’un logement ; j’ai rejoint ces nouveaux locaux à cette date. J’y suis restée jusqu’à ma retraite  en 1986 ».

En 1968 une quatrième classe voit le jour, en 1977 le transfert de la mairie au Château permet d’augmenter les capacités d’accueil des élèves. Dans les décennies suivantes l’accroissement démographique va nécessiter des aménagements importants et la construction de nouvelles structures telles que nous les connaissons aujourd’hui.

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