Les origines de la présence française en Afrique du Nord
La présence française débute avec le débarquement des troupes du roi Charles X sur les plages de Sidi-Ferruch (presqu’île à 30 kilomètres d’Alger) en juin 1830 . La conquête de l’Algérie est achevée à la suite de la reddition de l’émir Abd el-Kader en décembre 1847; elle se conclut par l’annexion de l’Algérie à la République française et la création des trois départements français d’Algérie(Alger, Oran, Constantine).en décembre 1848.
La politique de colonisation se développe après 1870 avec l’arrivée massive des exilés d’Alsace- Lorraine et de paysans du Sud-Est. La France entreprend alors en 1881 la conquête de la Tunisie qui devient un protectorat, puis la «pacification» du Maroc, initiée par le Général Lyautey en 1904 qui débouche sur l’instauration en 1912 du protectorat français au Maroc.
Bien avant le début de la guerre de «libération nationale» en Algérie qui débutera en 1954 et concernera une quarantaine de Tourrettans, des habitants du village ont connu des fortunes diverses lors des conflits sur les territoires d’Afrique du Nord :
-Augustin TRUC qui, appelé au service militaire en Tunisie et Algérie, participera à des combats contre les tribus berbères insoumises au Maroc en 1912 et 1913 ; il prendra part à la guerre 14/ 18 sur le territoire métropolitain.
-lors de la première guerre mondiale, Marcellin MASSEGLIA, affecté au 3° Régiment de Spahis au Maroc, Antoine DONATI, venant du 114° Régiment d’ Infanterie d’ Antibes affecté à Casablanca, Marcellin BREMOND et André GEOFFROY pour des séjours limités en durée, comme Paul MALET, qui servira dans une section d’infirmiers coloniaux.
-au cours de la seconde guerre mondiale, Serge ABRAM et Marius CHIOTASSO, tués dans l’explosion du Pluton dans le port de CASABLANCA en 1939 (épisode relaté dans le bulletin SHT n°1). L’aspirant de réserve Damien BAGARIA sert au 34° Bataillon du Génie puis 44° Groupe de Transmissions à Tunis d ‘octobre 1940 à octobre 1941 avant d’être activé à l’Ecole du Génie en Avignon. Il effectuera entre 1954 et 1962 une vingtaine de séjours d’un mois à Colomb-Béchar dans le sud – algérien où la France avait installé une base militaire de lancement de fusées et de fusées-sondes.
Le lieutenant Emile POMA (Saint-Cyrien de la promotion Amitié Franco-Britannique) sert de juillet 1944 à juillet 1945 au Régiment de Marche d’Indochine en Algérie puis 23° Régiment d’Infanterie Coloniale à Casablanca et Oujda (Nord-est du Maroc) ; promu capitaine, il sera affecté en Tunisie dans un Régiment de Tirailleurs Tunisiens de novembre 1953 à mars 1955.
Le déclenchement de la guerre d’indépendance et l’envoi du contingent
Plusieurs dizaines d’attentats, dont certains meurtriers, coordonnés dans l’Algérois, l’Oranais et le Constantinois sont perpétrés par le Font de Libération Nationale le 1° novembre 1954. C’est la célèbre « Toussaint rouge ».
Le gouvernement Pierre Mendès-France augmenta les effectifs militaires de 56. 000 à 83.000 hommes, qui commencèrent à ratisser les Aurès, principal bastion de l’insurrection.
L’envoi du contingent n’intervint qu’un an plus tard, le 6 février 1956. En avril et mai, l’extension de la rébellion conduit Guy Mollet à rappeler partiellement les classes 1951 à 1954. Les effectifs engagés en Algérie passent alors de 200. 000 en début d’année à 400. 000 en juillet.
Le service militaire est allongé de dix-huit à vingt-huit mois. Pour les appelés du contingent, seuls le fait d’être père d’au moins deux enfants ou la présence d’un frère sous les drapeaux en Algérie pouvaient constituer un éventuel motif d’exonération du service militaire en Algérie. Pupille de la nation, Jean-Marie BRIQUET en a été dispensé, son père Marcel ayant été tué par l’explosion d’une mine en descendant du Col de Vence le 27 Août 1944.
Les appelés, comme les engagés volontaires, suivaient une préparation sommaire de deux ou quatre mois, le plus souvent en métropole. Ils avaient une instruction pratique basée sur le maniement des armes et le tir, et recevaient un petit fascicule pédagogique, d’une vingtaine de feuillets, intitulé « Servir en Algérie ». Ce document, dont un extrait a été fourni par Georges RISSO « se propose de mieux faire connaître ce pays où vous allez servir de nombreux mois et où vous devrez contribuer, par votre présence et votre action, à resserrer les liens fraternels qui unissent la Métropole et l ‘ Algérie Française depuis 1830 ».
Ils prenaient ensuite la direction de Marseille en train, puis, après un court séjour au centre de transit de Sainte-Marthe à Marseille, celle d’Alger ou d’Oran :une traversée de 19 à 24 heures, couchés au fond des cales , la tête sur le « paquot », dans l’un des bateaux des compagnies maritimes (Ville de Marseille, Ville d’Oran, Ville d’Alger, etc..) et parfois d’autres vieux cargos ,souvent délabrés (El Mansour, Sidi Ferruch).
Les appelés ou rappelés tourrettans dans la guerre
« L´Algérie, écrasée par l´azur
C´était une aventure
Dont on ne voulait pas
L´Algérie, du désert à Blida
C´est là qu´on est parti jouer les p´tits soldats…. »
Les premiers appelés ou rappelés à quitter le village pour ces opérations de maintien de l’ordre en Afrique du Nord -appellation officielle qui a pudiquement minimisé la réalité d’une guerre- furent :
– le Caporal Joseph VENTURA qui, après ses classes à Jausiers (04), embarque à Marseille le 11 Novembre 1954 sur le « Commandant Quere» et sert au 99° Régiment d’Infanterie Alpine dans la région de Biskra, dans les Aurès, jusqu’en janvier 1956 où il rejoint Modane à des fins de démobilisation.
– le matelot Hubert AGNESI, embarqué sur le pont du porte -avions « Arromanches », a participé de 1955 à 1957 à des missions de livraison de matériels dans les ports d’Algérie.
– le 2° classe Louis CIABAUT, rappelé sous les drapeaux de février à décembre 1956 au 42° Régiment de Transmissions à Aïn Témouchent dans l’Oranais.
– Jacky MARIO (+), incorporé en septembre 1954 et formé comme maître chien à Angers, est affecté en Allemagne .Il rejoint l’Algérie lors de la montée en puissance des pelotons cynophiles opérationnels: chiens de garde et de ronde destinés à augmenter la sécurité des emprises mais aussi chiens éclaireur et pisteur, utiles dans les terrains difficiles, les couverts, et employés parfois lors des opérations de nettoyage des grottes, afin de débusquer les « rebelles ». Il y restera jusqu’en septembre 1956, ses 2 derniers mois se passant à quai avec la force navale d’intervention mise en œuvre pour l’opération du canal de Suez.
Merci à tous ceux qui nous ont reçus avec beaucoup de gentillesse pour nous livrer leurs souvenirs. Leurs précieux témoignages seront détaillés dans la seconde partie de cet article.
Bernard OBERTO